Solidaris a analysé les inégalités sociales de santé dans le contexte de la réforme des pensions. La logique sous-jacente au report de l’âge de la pension à 67 ans, initiée par le gouvernement Michel, est que les Belges devraient travailler plus longtemps compte tenu de la hausse de l’espérance de vie observée depuis le siècle dernier. Notre analyse démontre que c’est loin d’être aussi simple.
La réforme des pensions va porter progressivement l’âge de la pension à 67 ans. Solidaris s’est toujours intéressée de près à la question des inégalités sociales de santé et a dès lors souhaité objectiver les conséquences de cette mesure sur les catégories sociales les moins favorisées.
Le constat est sans appel : la proportion de personnes qui n’atteignent pas 67 ans est deux fois plus élevée parmi les personnes les plus précarisées (26,9%) en comparaison aux plus riches (13,1%). Appliquer à tous un relèvement de l’âge légal de la pension en se basant sur une moyenne d’espérance de vie à la naissance nie ainsi l’existence des inégalités sociales de santé pourtant largement documentées, avec pour conséquence qu’un nombre important de personnes précarisées décèdera avant même de pouvoir accéder à une pension pour laquelle elles ont pourtant cotisé pendant toute leur vie.
On estime que le montant total de pensions qui devrait être perçu par les personnes les plus précarisées s’élève à plus de 7 milliards d’euros si les inégalités sociales d’espérance de vie étaient supprimées, c’est-à-dire si l’ensemble des individus les plus pauvres avaient la même espérance de vie que les plus riches.
En impactant de manière plus conséquente la proportion de personnes précarisées pouvant bénéficier d’une pension, ce report à 67 ans ne tient pas compte des inégalités sociales existantes et les creuse même davantage.
Sur base de ces constats, il semble primordial de s’attaquer à la question de l’accès à une pension complète sous l’angle de la pénibilité des métiers et des inégalités sociales de santé et de mortalité. La Mutualité plaide pour replacer la réforme des pensions dans le cadre de la problématique des fins de carrière, sans quoi un relèvement de l’âge de la pension aura in fine une incidence effective limitée sur le taux d’emploi des seniors.
A défaut de revoir l’âge légal de la pension pour toutes les catégories sociales, nous préconisons la possibilité d’accès à une pension décente avant cet âge en fonction de critères de pénibilité des professions exercées et de conditions de santé. Rendre le travail soutenable est un préalable à la réforme des retraites. Sans cela, le vieillissement de la population active et la persistance de certains maux de société (comme les problèmes de santé mentale et les maladies du système locomoteur) ne feront qu’entraîner un report financier du régime des pensions vers celui de l’invalidité ; ce qui ne réglera en rien les problèmes de soutenabilité du régime des pensions que la réforme du gouvernement Michel prétendait régler.