La santé mentale est une composante essentielle de la santé. L’Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste
pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Cette définition a pour corollaire que la
santé mentale est davantage que l’absence de troubles ou de handicaps mentaux. Le Plan d’action
global pour la santé mentale établi par l’OMS en 2013 met l’accent sur la santé mentale comme un
état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, faire face au stress normal de la vie,
accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté.
Un citoyen européen sur dix connaît, à un moment donné de sa vie, des problèmes de santé mentale
et, dans de nombreux pays européens, la dépression est le problème de santé le plus courant. En Belgique, plus de trois personnes sur dix (35%) sont en invalidité suite à des problèmes de santé
mentale . La situation en Wallonie n’est pas meilleure : selon la dernière enquête de santé menée par
l’Institut de Santé Publique (ISP) en 2013, 35% des wallons âgés éprouvent des difficultés
psychologiques et ils sont 20% à connaître un épisode qui laisse suspecter une pathologie mentale.
En outre, les antidépresseurs sont largement dys-prescrits en Belgique avec 72 doses
quotidiennes pour 1.000 habitants par jour, alors que la moyenne des pays de l’Organisation de
Coopération et de Développement Economique (OCDE) est à 58, plaçant ainsi la Belgique en neuvième
position parmi les 28 pays de l’OCDE où le plus d’antidépresseurs sont prescrits.
Faut-il rappeler que les raisons d’investir dans la santé mentale font partie des implications et
mobilisations d’autres grandes institutions internationales ? Dans le cadre du Pacte Européen pour la
santé mentale établi en 2008, les Etats membres s’engagent à agir dans les domaines de :
La prévention de la dépression et du suicide ;
La santé mentale chez les jeunes et dans le système éducatif ;
La santé mentale des personnes âgées ;
La lutte contre la stigmatisation et l’exclusion sociale ;
La santé mentale sur le lieu de travail.
L’OCDE reconnaît que négliger la santé mentale constitue un problème pour les politiques sociales et
pour le marché du travail : les troubles de la santé mentale génèrent des coûts importants pour la
personne qu’ils affectent, pour l’employeur et pour l’économie toute entière. Faire de la santé mentale
une politique prioritaire améliorerait non seulement la vie de la population mais aurait des effets sociaux
et économiques bénéfiques.
En Belgique, le contexte légal concernant la profession de psychologue a récemment évolué et des
étapes importantes ont été franchies (reconnaissance des psychologues et orthopédagogues, pratique de la psychothérapie, mise en place d’un Conseil fédéral des professions des soins de santé mentale), ouvrant la perspective de pouvoir rembourser les soins psychologiques via l’assurance obligatoire alors qu’ils restent encore actuellement pris en charge de manière limitée via les assurances complémentaires des mutualités.
Par souci d’alléger la lecture de ce texte, seul le terme de psychologue sera utilisé ci-après. Il faut le comprendre comme psychologue clinicien ou orthopédagogue clinicien au sens de la loi de 2016.
A cet égard, l’accord de majorité du Gouvernement fédéral d’octobre 2014 prévoyait de renforcer la
première ligne et d’examiner « un éventuel financement et remboursement des soins de santé mentale,
par exemple dans le cadre de certains trajets de soins et circuits de soins ». C’est dans ce cadre que
le Conseil des Ministres du 18 mai dernier a approuvé un projet de remboursement du psychologue de
première ligne introduit par la Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Maggie De Block,
pour un budget annuel de 22,5 millions d’euros.
Au vu de ces évolutions et des enjeux importants en terme de santé publique, Solidaris s’est penchée
sur le secteur afin d’apporter son expertise et contribuer à l’élaboration d’un modèle cohérent de
remboursement des soins psychologiques de première ligne par l’assurance maladie, en s’appuyant
notamment sur les enseignements tirés des données provenant de l’assurance complémentaire.
Solidaris consacre une étude approfondie à la santé mentale en Wallonie. En effet, les troubles
de santé mentale sont plus particulièrement présents en Wallonie. La dernière enquête de santé montre
ainsi que la consommation de psychotropes est plus élevée en Région wallonne (19%) qu’à Bruxelles
(13%) et en Région flamande (16%). C’est également en Wallonie que l’on trouve le plus grand nombre
de personnes prenant des antidépresseurs (10% contre 7% en Flandre et à Bruxelles). Les tentatives
de suicide au cours de la vie y sont souvent rapportées (5,5%, soit un taux proche de celui déclaré à
Bruxelles mais sensiblement plus élevé qu’en Région flamande où ce taux vaut 3,4%). Enfin, on
retrouve également une forte concentration de personnes avec des difficultés psychologiques (35%
contre 40% à Bruxelles et 29% en Flandre).
Les enquêtes de santé menées par l’ISP en 2004, 2008 et 2013, témoignent ainsi de l’évolution de
certains indicateurs de santé mentale en Wallonie et de leurs gradients sociaux ; la santé mentale,
comme les autres composantes de la santé, étant effectivement liée à une série de facteurs
sociodémographiques. Plus récemment, l’Agence pour une Vie de Qualité (AVIQ), a également regroupé différentes données disponibles à l’échelle de la Région wallonne dans ce domaine.
Dans un premier temps, cette étude a pour objectif de revenir sur les résultats clés issus des
enquêtes et des données disponibles pour dresser un état des lieux de la question en Wallonie.
Dans un second temps, l’objectif est d’analyser, sur base des données de Solidaris, la question du
remboursement des consultations psychologiques en première ligne. En effet, depuis 2013, Solidaris
propose un remboursement des consultations psychologiques dans le cadre de son assurance
complémentaire. Nous disposons donc de données concernant cette offre de soins qui reste encore
actuellement peu connue et qui n’a encore jamais fait l’objet d’une analyse détaillée. Nous examinons
ainsi les données relatives à l’utilisation de cet avantage en 2016 dans nos fédérations wallonnes afin
de répondre aux questions suivantes :
1) Comment est utilisé l’avantage complémentaire lié au remboursement des consultations
psychologiques ? Comment se répartissent les consultations parmi les patients et en tenant
compte des différents psychologues reconnus par Solidaris ?
2) Quel coût représentent les consultations ? Quels sont les tarifs pratiqués par les psychologues ?
3) Quel est le profil des usagers de cet avantage ?
4) Existe-t-il un lien avec le fait de consommer des antidépresseurs, d’avoir été hospitalisé dans
un service de psychiatrie ou encore le fait d’être en incapacité de travail ?
Par ailleurs, nous l’avons vu, notre Ministre de la santé, Maggie De Block, annonce organiser à partir
du 4ème trimestre 2018 le remboursement de consultations psychologiques pour des troubles psychiques légers et modérés chez les adultes de 18 à 64 ans, dans le cadre de l’assurance obligatoire.
Il s’agit d’une première avancée positive et que l’on ne peut que saluer. Elle soulève cependant de
nombreuses questions.
Dans un troisième temps, Solidaris a approfondi l’analyse en organisant des focus-groupes avec les
prestataires les plus impliqués dans la prise en charge de la santé mentale en première ligne à savoir
les psychologues et les médecins généralistes. Il s’agissait avant tout de creuser, via ces focus groupes, certains aspects de l’opérationnalisation et du remboursement des consultations
psychologiques. Les focus groupes ont été suivis d’une table ronde commune entre les psychologues
et les médecins généralistes et enfin d’une table de discussion avec des experts de la santé mentale.
Cette publication s’attachera à relayer la parole de ces acteurs de terrain. En toile de fond de nos réflexions se trouve l’étude du KCE qui dès 2016 avançait une série de propositions concernant l’organisation et le financement des soins psychologiques en Belgique.
Comment organiser au mieux un accès aux soins psychologiques de première ligne en Belgique ? C’est la question à laquelle la troisième partie de ce texte tente dès lors de répondre. Sur base des différents éléments précédents (l’analyse de notre AC, le travail du KCE, …), mais surtout sur base des différentes rencontres, qui ont nourri notre réflexion, nous développons une vision globale d’un modèle d’organisation à mettre en place pour le financement de la prise en charge des soins psychologiques de première ligne dans notre pays. Une dernière partie s’attache à estimer le coût d’un tel modèle de prise en charge.